Établi sur le modèle des États-Unis, le programme devait offrir des droits socio-économiques complets. Ainsi, les candidats pouvaient circuler librement dans l’espace Schengen, bénéficier de conditions de travail et de salaires équivalents à ceux des ressortissants locaux. En outre, une série de droits socio-économiques leur étaient promis, tels que des allocations de chômage et une procédure claire pour l’obtention de la résidence permanente.
Une fois le programme en place, les États membres seront libres de délivrer des cartes bleues, à l’exception du Royaume-Uni, du Danemark et de l’Irlande, selon leur choix.
Plus restrictive qu’un permis de travail
En fait, la carte bleue originale a été sous-utilisée dans tous les pays, sauf en Allemagne et au Luxembourg. Entre 2013 et 2020, environ 80000 cartes bleues ont été délivrées. Cela ne représente que 1,3 % des permis de travail et des titres de séjour nationaux issus au sein de l’UE au cours de la même période (6,2 millions).
La plupart des États membres considèrent la carte bleue européenne comme étant plus restrictive que les permis de travail et de séjour nationaux équivalents. Deux raisons principales expliquent cela :
- les avantages de la carte bleue profitent surtout aux employés et non aux employeurs,
- dans de nombreux pays, la procédure de demande de la carte bleue est plus difficile que celle des systèmes nationaux.
Le problème qu’elle devait résoudre, à savoir la possibilité de vivre et de travailler n’importe où dans l’UE avec le même permis, reste entier. Car même quand une personne détenait une carte bleue dans un pays, demander une nouvelle carte dans le nouveau pays était souvent plus facile que de demander le transfert de l’ancienne.
Les nouveaux avantages de la carte bleue
La Commission Européenne, ayant observé ces lacunes, a proposé une refonte du système en 2016.
Cette proposition, adoptée par le Conseil européen en 2021, est devenue directive pour les États membres, qui doivent l’adopter d’ici novembre 2023.
Les propositions initiales prévoyaient un permis unique, couvrant tous les États membres de l’UE, pour autant qu’une offre d’emploi existe.
Une autre proposition voulait interdire les systèmes parallèles destinés aux migrants hautement qualifiés. Ces deux propositions ont été abandonnées au cours des négociations.
La proposition finale était plus modeste, offrant néanmoins une amélioration significative :
- La durée du contrat de travail est ramenée de 12 à 6 mois.
- La durée nécessaire de séjour dans le premier État membre, avant de pouvoir résider dans un autre, est ramenée de 18 mois à 12 mois.
- Les titulaires d’une carte bleue peuvent travailler jusqu’à 90 jours dans d’autres États membres sans avoir besoin du permis de travail de l’État membre en question.
- La nouvelle période standard de validité de la carte bleue sera d’au moins 24 mois (au lieu de 12 mois) ou de la durée du contrat, augmentée de trois mois.
- Le renouvellement de la carte bleue européenne est accordé pour une durée d’au moins 24 mois.
- La décision d’octroi de la carte bleue européenne sera rendue endéans 60 jours (au lieu de 90).
- Pour les « employeurs reconnus », la décision d’octroi est ramenée à un délai maximum de 30 jours.
- Le seuil salarial des candidats est abaissé à au moins 100 % et au plus 160 % du salaire annuel brut moyen dans l’État membre de l’emploi. Dans le régime actuel, le seuil est de 150 % au minimum, sans limite supérieure.
- Les titulaires d’une carte bleue peuvent exercer une activité indépendante en plus de la profession de leur carte bleue.
- Les années de résidence peuvent être transférées dans un autre État membre, si les deux dernières années des cinq précédentes le sont au sein de l’UE et avec une carte bleue.
- Tout résidant de longue durée dans l’UE et ancien titulaire d’une carte bleue peut séjourner en dehors de l’UE pour une durée maximale de deux ans.
Enfin, la nouvelle carte bleue oblige les États membres à valoriser l’expérience professionnelle remplaçant les diplômes de l’enseignement supérieur. Les candidats qui travaillent sur le transfert intra-entreprise (TIC) doivent avoir trois ans d’expérience professionnelle au cours des sept années précédentes pour avoir la valeur d’un diplôme.
L’avenir de la Carte Bleue Européenne
La nouvelle directive sur la carte bleue européenne apporte quelques nouveautés intéressantes. Si elle est appliquée correctement dans tous les États membres de l’UE, elle pourrait avoir un impact important sur l’immigration dans l’UE.
Cependant, comme souvent, les États membres de l’UE traînent les pieds. Au point tel qu’à l’heure actuelle, seule la Bulgarie a concrètement mis en œuvre la nouvelle directive. Quelques autres ont enfin fourni des détails sur la manière dont ils allaient mettre le système en place.
Exceptions notables : l’Allemagne, l’Espagne et la Suède. L’Espagne, surtout, qui n’utilisait pas du tout le système de la carte bleue auparavant, et qui voit maintenant l’occasion d’attirer des talents supplémentaires avec l’initiative.
L’Allemagne, principal utilisateur du système existant et pilier de la législation européenne, a décidé sans surprise de faire appliquer la directive dans les délais, adoptant tous les éléments clés. L’abaissement des critères salariaux est particulièrement important, il profitera à de nombreux professionnels.
Pour les trois pays cités, pouvoir travailler dans un autre pays de l’UE pendant trois mois, comme c’est le cas pour le permis TIC, est un élément important, bénéfique aux employeurs. De même, la baisse des délais d’octroi, du processus de renouvellement et du contrat, aidera les employeurs à gagner en clarté et en certitude, ce qui est une bonne chose.
Avec tous ces avantages, la Carte bleue bénéficie toujours plus aux employés qu’aux employeurs. Mais aussi, si en théorie le travail et les déplacements dans l’ensemble de l’UE sont intéressants, la nouvelle directive risque de priver de talents les pays les plus pauvres de l’UE, qui pourront éventuellement devenir une porte d’entrée pour les migrants hautement qualifiés vers l’Allemagne, la France, etc.
Enfin, malgré tous les avantages, les analystes de l’immigration prévoient que la nouvelle directive n’entraînera pas d’augmentation particulière de la participation au programme.
La question reste entière : est-ce qu’avec la nouvelle directive la carte bleue européenne aura du succès ? Chez AGS, nous continuerons à fournir des mises à jour à mesure des changements – et nous sommes convaincus qu’il y en aura.
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